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2014

Coulomb-Gully Marlène, Présidente : le grand défi. Femmes, politiques et médias

Paris, Payot Rivages, 2012
Beatriz Sanchez
Référence(s) :

Coulomb-Gully Marlène, Présidente : le grand défi. Femmes, politiques et médias, Paris, Payot Rivages, 2012

Texte intégral

1Dans son ouvrage Présidente : le grand défi. Femmes, politique et médias l’auteure propose une réflexion critique sur le genre en politique, en questionnant la place des femmes dans un univers communément entendu comme masculin.

2Après avoir publié de nombreux travaux sur les constructions du genre dans les médias et la prise en compte du concept de genre en sciences de l’information et de la communication (voir notamment le numéro thématique de revue « Médias, la fabrique du genre » de la revue Sciences de la société, paru en 2012, et l’article « Féminin/masculin : question(s) pour les SIC. Réflexions théoriques et méthodologiques » publié en 2010 dans Questions de communication) Marlène Coulomb-Gully s’intéresse ici à la question de la légitimité des femmes en politique et à son traitement médiatique.

3En s’appuyant sur plusieurs périodes de campagnes électorales et de « surchauffe » médiatique, l’auteure propose de retracer une certaine histoire du genre. Quelles sont les représentations de la femme et de la féminité en fonction des contextes culturels et politiques ? Comment imagine-t-on la « femme présidente » ? Comment les médias participent-ils à l’élaboration et à la définition du genre des candidats et candidates ? Autant de questions posées dans cet ouvrage afin de saisir l’importance des représentations médiatiques du genre en politique.

4Comme le soulignait Virginie Julliard dans son article « La campagne présidentielle de Ségolène Royal dans la presse et sur le web. La construction du genre en politique », le « genre, traduction de la notion nord-américaine gender qui permet de lever l’ambigüité de la notion de sexe, désigne la construction sociale, historique et culturelle des rapports de sexe » (Julliard, 2011, 39). Et c’est bien de cela dont il s’agit dans cet ouvrage.

5L’auteure étudie à partir de contextes historiques précis et de certains dispositifs médiatiques (les campagnes politiques de 1965 à 2007), l’évolution du rôle des femmes ainsi que les conditions de leur ascension au pouvoir (« le sexe du pouvoir », nous rappelle-t-on en introduction). Composé de trois parties équilibrées, (1. « Les pionnières », qui aborde les campagnes électorales essentiellement masculines ainsi que la faible participation et mise en visibilité des femmes ; 2. « Le contexte paritaire » consacrée aux campagnes de 1995 et 2002 ; 3. « 2007 : L’échec de « la France présidente » qui retrace le face à face Sarkozy-Royal lors du second tour des élections présidentielles), le travail de Marlène Coulomb-Gully analyse la figure de la femme politique ainsi que nos langages et nos représentations d’un chef d’Etat sous la Cinquième République.

6L’ouvrage retrace ainsi le parcours historique et médiatique des femmes en politique en s’appuyant sur l’étude de leurs représentations dans des journaux, dans des photographies et dans des discours et propose de comprendre comment et pourquoi la question du genre est devenue majeure en politique et dans les médias. En s’appuyant sur une étude des discours, des images (lieu de production, institution, signifié de l’image) et même du programme télévisuel « Les Guignols de l’info », Marlène Coulomb-Gully décrypte avec clarté et enthousiasme l’évolution de nos mots, de notre société et de notre imaginaire de l’individu (masculin ou féminin) au pouvoir. L’ouvrage nous propose ainsi une recherche développée et richement documentée de plusieurs « récits médiatiques » - l’expression est ici entendue en tant qu’héritage des travaux de Paul Ricoeur (1985) ou bien encore Philippe Marion (1997) toujours contextualisés.

7Quels corps et quel sexe envisage-t-on alors à la tête de l’Etat ? Quelle incarnation les médias construisent-ils pour les publics ? Comment le genre est-il devenu au cours de l’histoire politique française, un argument de campagne ? Quelles ont été les difficultés à affronter par les femmes en politique ? Ces quelques questions auxquelles M. Coulomb-Gully répond nous permettent de mieux comprendre notre propre histoire politique. Et il semble bien, qu’avant d’entendre des partisans scander le nom de « Ségolène », le chemin fut long.

8Pendant la campagne de 1974, la femme en politique n’existe qu’en tant qu’épouse. Solide, maternelle et aimante, elle offre au public et au peuple français l’image de la stabilité et de la chaleur féminine. Eloignée des préoccupations politiques et économiques (thèmes alors perçus comme bien trop régaliens pour le genre féminin), la femme est présentée dans la presse comme un « accessoire de campagne ». Dans ce contexte des années 1970, elle ne parait pas pouvoir être le « capitaine du bateau » dont parlait Nicolas Sarkozy lors de la dernière campagne présidentielle. En effet, la France ne semble alors pas prête. Nos langages ne parviennent pas encore à conjuguer le pouvoir au féminin. La politique reste une « affaire » d’hommes.

9Pourtant, en 1974, une femme se déclare « candidate ». Arlette Laguiller s’impose alors face à onze hommes dans la course à l’Elysée. Androgyne, de gauche et déterminée, cette candidate annonce le début d’une nouvelle ère en politique. Celle qui « donne » une place aux deux sexes et celle qui va aborder des problématiques plus féminines (notamment les questions de l’avortement et de la contraception).

10À partir de cette période, le rôle de la femme en politique évolue de manière constante. Bien que le chemin soit long, on assiste à une féminisation progressive des campagnes électorales et à une augmentation des figures féminines au pouvoir. Des femmes comme Simone Veil, Françoise Giroud ou bien encore Marie-France Garaud (qui utilise une rhétorique guerrière et offensive), participent à la construction d’une nouvelle image de la politique en France. La femme n’est pas condamnée à rester à la maison. Elle peut agir et faire.

11Le contenu médiatique se métamorphose lui aussi. Eventails de représentations, les médias co-construisent de nouveaux visages du pouvoir. Parfois sexistes, peu tendres voire méprisants envers les femmes politiques, ils participent néanmoins à leur légitimité. Parler d’elles, les nommer, les décrire, c’est déjà leur donner une existence. Toutefois, il apparaît que les différents supports médiatiques peinent à conjuguer au féminin le mot « président ». Les femmes politiques sont longtemps associées à un genre particulier. Elles sont des déesses, des Jeanne D’Arc, des amazones. Des femmes différentes des autres. Dans les médias, on les appelle par leur prénom uniquement et on s’attarde à parler de leur vie privée, de leurs enfants ainsi que de leurs vêtements.

12Le traitement médiatique se fait donc sensiblement différent. Lorsqu’il est question de femmes, le discours médiatique privilégie le domaine de l’intime, la sphère privée, dans des représentations souvent voyeuristes. Ainsi le parcours des femmes en politique est à considérer en miroir des contenus médiatiques qui révèlent des mentalités dans des contextes sociaux particuliers.

13Petit à petit, les femmes occupent la scène politique avec une plus grande assurance et reconnaissance bien que la question de la compétence politique (surtout en matière d’économie) reste souvent discutée par les médias.

14Toutefois, on assiste en 2007 à une rupture générationnelle forte. Pour la première fois, une femme est en position de l’emporter face à un homme. En s’appuyant sur son statut de femme, sa féminité, Ségolène Royal fait du genre un argument de campagne. À la fois forte et maternelle, elle peut parler à « tous les français » et incarner le visage de la nouvelle Marianne. Le débat en 2007 porte ainsi à la fois sur une opposition entre les idéologies de droite et de gauche, mais également entre un homme et une femme. Une opposition de genres. Et malgré l’échec de la candidate, de nombreux français semblent prêts à voir une « femme à l’Elysée » (expression alors couramment utilisée en 2007 et reprise par le journal Le Monde du 28 mars 2007).

15Ce sont certaines de ces grandes problématiques sociales qui sont abordées par Marlène Coulomb-Gully afin de définir une histoire genrée de la politique en France : une histoire qui retrace de longs combats de la part des femmes, et de grands défis. Inscrivant son ouvrage au croisement des études sur le genre et de la science politique pour développer une analyse en sciences de l’information et de la communication, l’auteure retrace des portraits médiatiques passionnants.

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Bibliographie

COULOMB-GULLY Marlène, « Féminin/Masculin : question(s) pour les SIC. Réflexions théoriques et méthodologiques », Questions de Communication, n° 17, 2010, pp. 169-194.

COULOMB-GULLY Marlène (dir.), « Médias, la fabrique du genre », Sciences de la société, n° 83, 2012.

JULLIARD Virginie, « La campagne présidentielle de Ségolène Royal dans la presse et sur le web. La construction du genre en politique », in Veyrat-Masson Isabelle (dir.), Médias et élections. La campagne présidentielle de 2007 et sa réception, Paris, L’Harmattan, 2011, pp. 39-58.

MARION Philippe, « Narratologie médiatique et médiagénie des récits », Recherches en communication, n° 7, 1997, pp. 61-88.

RICOEUR Paul, Temps et récits, Paris, Le Seuil, 1985.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Beatriz Sanchez, « Coulomb-Gully Marlène, Présidente : le grand défi. Femmes, politiques et médias »Genre, sexualité & société [En ligne], Analyses et comptes-rendus, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/gss/2969 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gss.2969

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